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Sommet pour le climat du secrétaire général des Nations unies : la course est lancée

Le secrétaire général des Nations unies organise le 23 septembre 2019, en marge du programme normalement établi pour les négociations climatiques, un sommet spécial pour l’action climatique. Antonio Guterres a exhorté pays et acteurs non étatiques à renforcer leur action en faveur du climat dans la perspective de l’année 2020, moment auquel les pays sont tenus par l’Accord de Paris de présenter de nouveaux engagements pour 2030 ainsi que des stratégies de développement bas-carbone à long terme à l’horizon 2050. Par le biais de demandes inhabituellement explicites, les gouvernements et les protagonistes de l’action climatique ont été invités à mettre fin aux subventions aux énergies fossiles et à initier le processus d’abandon du charbon. Ce billet détaille les attentes engendrées par le sommet, passe en revue les tendances concernant les annonces possibles et se penche sur la capacité de ce processus à conduire à une décarbonation profonde de l’économie mondiale.




Accroître l’ambition des pays en ce qui concerne leurs engagements en faveur du climat est incontestablement le défi principal de l’agenda climatique des Nations unies cette année et pour la période menant à la COP 26, qui sera accueillie par le Royaume-Uni à Glasgow. En vertu de l’Accord de Paris sur le changement climatique, les pays sont tenus, d’ici fin 2020, de renforcer l’ambition de leurs engagements climatiques (désignés par le terme de « contributions déterminées au niveau national », ou CDN) pris en 2015 et de présenter des stratégies de long terme qui soient conformes à l’Accord. Atteindre les engagements actuels conduirait le monde à connaître une augmentation des températures de l’ordre de 3.2°C d’ici 2100, un chiffre bien supérieur à l’objectif de rester bien en-deçà de 2°C et de tendre vers 1.5°C sur lequel l’ensemble des pays s’était entendu. Les travaux préparatoires que les pays se doivent d’entreprendre pour mettre au point des objectifs ambitieux mais cependant réalisables devraient par conséquent être déjà bien engagés. Mais au-delà du travail analytique requis pour évaluer l’impact des différentes options politiques, réussir à augmenter l’ambition climatique repose sur un élément clé, l’impulsion politique, ou pour être encore plus clair, la pression politique.


Avant même le sommet organisé par le secrétaire général des Nations unies (SGNU), cette pression politique supplémentaire émane principalement de deux catégories de protagonistes. Elle repose en premier lieu sur la mobilisation de la jeunesse. Mené par l’activiste suédoise Greta Thunberg, ce mouvement croît à un rythme soutenu et s’illustre chaque semaine par des grèves scolaires et des manifestations organisées à travers toute la planète par le biais des médias sociaux (#FridaysforFuture). La pression se nourrit ensuite de l’engagement personnel du SGNU Antonio Gutteres qui a convoqué ce sommet en le plaçant sous le thème « Une course que nous pouvons et que nous devons gagner » (A Race We Can Win, A Race We Must Win) afin de rappeler aux chefs d’État et de gouvernement qu’il est indispensable de considérer comme urgente l’action climatique. Le sommet culminera lors de la réunion des chefs d’État à l’Assemblée générale des Nations unies où il est attendu des pays qu’ils présentent des stratégies transformatrices, dans la mesure où ils ont été avertis qu’il leur fallait se munir de projets et non de discours. Le week-end précédant le sommet (21-22 septembre), les pouvoirs publics, le secteur privé, la société civile, les autorités locales et les organisations internationales annonceront de nouvelles coalitions et présenteront une série d’initiatives visant à accélérer la transition bas-carbone, dans six « domaines d’action » : transition énergétique ; transition industrielle ; infrastructures ; villes et action locale ; solutions fondées sur la nature ; résilience et adaptation ; et finance climatique et tarification du carbone. Trois thématiques additionnelles croiseront ces enjeux : jeunesse et société civile, moteurs sociaux et politiques, et « atténuation ». Ces trois axes font respectivement écho aux protestations et mobilisations citoyennes qui sont de plus en plus nombreuses à réclamer des actions ambitieuses, aux inévitables tensions sociales et aux perspectives engendrées par la transition (auxquelles fait écho la déclaration sur la transition juste de la COP241), et à la nécessaire traduction de cet élan en une présentation de CDN « officielles » auprès de la CCNUCC.


Ce qu’il convient avant tout de remarquer à la veille du sommet est que le secrétaire général fixe de manière résolue les normes pour ce qui devrait être considéré comme ambitieux : mettre fin aux subventions aux énergies fossiles et ne plus construire de nouvelles centrales à charbon à partir de 2020. Il s’est également montré exceptionnellement direct en exerçant une forme de pression sur chacun des principaux émetteurs, en adressant des courriers porteurs de demandes spécifiques à tous les chefs d’État des pays du G20 ainsi que des lettres d’ordre plus général à l’ensemble des dirigeants mondiaux, et en s’engageant dans une tournée diplomatique mondiale en faveur de la question climatique. Il a également demandé à tous les pays indistinctement de prévoir d’atteindre zéro émission nette d'ici 2050, soutenant ainsi l'interprétation la plus ambitieuse de l'Accord de Paris, visant zéro émission nette dans la seconde moitié du siècle et assurant ainsi une plus grande chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C que les 50 % de probabilité des principales trajectoires du Giec. Toutefois, les économies développées ont accepté de prendre l'initiative en regard de ces objectifs ambitieux, et certains pays en développement pourraient avoir besoin de plus de temps ou de soutien pour décarboner leur économie conformément à l'Accord de Paris.


Que pouvons-nous attendre du sommet ? À ce jour, seules les Îles Marshall ont présenté une CDN améliorée et à peine plus de 60 pays sont censés annoncer qu’ils vont améliorer leurs CDN ; ces pays représentent moins d’un tiers des signataires de l’Accord de Paris, et ne comptent pas parmi eux de gros émetteurs. En l’absence des États-Unis, l’attente est grande de voir l’Union européenne (UE) se placer aux avant-postes de l’action climatique internationale. Malheureusement, les États membres ont échoué à parvenir à un consensus sur une date pour atteindre zéro émission nette, et par conséquent l’UE ne peut ni montrer un engagement clair en faveur d’une CDN améliorée, ni fournir d’indications quant à la forme que prendra sa stratégie de long terme, pour l’instant. Les annonces viendront plutôt des gouvernements des États membres qui ont déjà pris des engagements en faveur d’objectifs nationaux ambitieux, notamment la France et le Royaume-Uni qui se sont engagés à atteindre zéro émission nette d’ici 2050 sans avoir recours à la compensation internationale. La Finlande, qui préside actuellement le Conseil de l’UE, s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici 2035 tandis que le nouveau gouvernement du Danemark prévoit d’introduire un objectif d’atténuation de l’ordre de 70 % comparé aux niveaux de 1990 (en hausse de 40 % par rapport à l’objectif actuel) d’ici 2030. Dans le domaine financier, la Banque européenne d’investissement a accompli d’importants progrès vers la suppression de tous les financements pour les projets ayant trait aux combustibles fossiles d'ici 2020 (décision qui sera soumise au vote en octobre), et l'OCDE vient de publier un rapport confirmant que la mobilisation du financement climatique devrait effectivement atteindre 100 milliards de dollars d'ici 2020. La question sera néanmoins au centre des débats lors du sommet : premièrement, parce que l'augmentation des ambitions l'année prochaine est intrinsèquement liée à la disponibilité croissante d'investissements et de subventions verts ; deuxièmement, parce que la conférence de réabondement du Fonds vert pour le climat approche à grands pas et que les pays qui n'ont pas annoncé leur contribution seront appelés à le faire ; troisièmement, parce que les nouvelles coalitions issues du sommet devront disposer des instruments financiers spécifiques pour leurs actions sur le terrain. En outre, si la France et la Chine ont conjointement annoncé leur projet de renforcer l’ambition de leur engagement, toute annonce de plus grande importance lors du sommet organisé par le SGNU apparaît comme incertaine. Alors qu’existent des tensions dans le domaine des échanges, il est attendu que les gros émetteurs qui sont également des concurrents économiques annoncent leur intention d’augmenter leurs CDN d’ici 2020 conformément à l’Accord de Paris, mais les projets plus consistants sont susceptibles de ne se matérialiser qu’au moment de la COP 25 ou plus tard.


La clarification des attentes exprimées par la société civile, telle que structurée par le SGNU, devrait cependant être saluée comme une contribution importante au mouvement visant à accroître les ambitions d’ici 2020 en l’absence de leadership politique dans ce domaine. Au-delà des annonces souhaitées en matière de stratégies à long terme et de contributions nationales, l’une des vertus de ce sommet est de fixer les lignes directrices adéquates en matière d’action (neuf axes de travail) et les bons niveaux pour une ambition cohérente avec les dernières données scientifiques portant sur l’objectif de 1.5°C, et de dessiner une vision quant à la manière de parvenir à un monde neutre en carbone. Il est à présent clairement demandé aux pays de refléter ces normes dans leurs CDN et d’adopter des objectifs en termes de neutralité des émissions qui s’appuient sur de profondes transformations sectorielles plutôt que sur des mesures progressives se concentrant sur des réalisations de court terme.


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